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Budget 2025 : pour le gouvernement Bayrou, ça passe ou ça casse

Alors que l’année 2025 débute à peine, le tout jeune gouvernement de François Bayrou se voit déjà mis à l’épreuve par l’élaboration d’un budget pour l’année 2025, une étape nécessaire pour mettre fin à la crise persistante. L’année 2024 a été marquée par une très forte instabilité politique et en résultante, un budget rejeté et un gouvernement censuré.

François Bayrou à la tribune de l'Assemblée nationale, le 14 janvier. Source : Le Parisien.
François Bayrou à la tribune de l'Assemblée nationale, le 14 janvier. Source : Le Parisien.

À la suite des élections européennes de juin, dont le résultat avait amené le Président Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale, le groupe présidentiel est passé d’une majorité relative, à une absence de majorité au sein d’un hémicycle plus fragmenté que jamais. L’heure était alors à la négociation, la création de majorités alternatives entre les diverses forces politiques pour tenter, tant bien que mal, de poursuivre les réformes engagées. Le gouvernement Barnier, après seulement 3 mois en poste, a échoué à doter la France d’un budget pour l’année 2025. Le Premier ministre, qui avait engagé sa responsabilité sur le texte au nom de l’article 49-3 de la Constitution, a été renversé par la motion de censure votée par l’ensemble des forces de gauche, ainsi que le RN et l’Union des Droites (groupe d’Éric Ciotti).

 

Le 13 décembre, François Bayrou, Commissaire au Plan et leader du parti « Mouvement Démocrate », devient le 4e Premier ministre de l’année 2024. Sur fond de crise majeure à Mayotte, le nouveau gouvernement a été nommé le 23 décembre, plaçant à Bercy le dirigeant d’entreprises Éric Lombard comme ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, ainsi qu'Amélie de Montchalin, en charge des Comptes publics.


C’est tout d’abord une loi spéciale (prévue par l’art. 45 de la loi organique relative aux lois de finances de 2001) promulguée le 20 décembre après un vote unanime des deux chambres, qui permet d’assurer une continuité des activités financières essentielles de l’État jusqu’à ce qu’un budget soit adopté : la perception d’impôts existants, la possibilité pour l’État et les organismes de sécurité sociale d’emprunter en 2025.

 

Désormais, c’est l’élaboration d’un nouveau budget qui occupe pleinement le gouvernement. C’est une étape essentielle qui scellera probablement le sort de François Bayrou et de ses ministres.

Depuis le 6 janvier, les forces politiques composant le Parlement sont conviées à Bercy pour des négociations et des échanges. L’objectif : trouver un terrain d’entente sur un budget nécessaire et urgent, qui s’il est adopté, sécurisera dans le même temps l’avenir du gouvernement et l’économie du pays. Éric Lombard précise que ces consultations ont pour objectif de « partager le cadre de discussion budgétaire ainsi que les propositions et recommandations émises par les différentes sensibilités politiques ».

Le ministre entend également se détacher complétement de l’influence que le Rassemblement national avait pu avoir sur les décisions politiques du gouvernement Barnier. À l’aube de ses réunions, Éric Lombard avait d’ailleurs affirmé sa croyance en des négociations fructueuses avec les divers partis de gauche.

 

C’est un changement de méthode radical par rapport au précédent gouvernement. François Bayrou a bien compris que s’il veut rester au pouvoir, il devra compter sur des compromis avec les oppositions. Après son discours de politique générale, le 14 janvier, la motion de censure déposée par La France insoumise a largement été rejetée, notamment grâce au refus du groupe Socialiste de voter le texte, à la suite de concessions du gouvernement. C’est une première étape validée pour le nouveau Premier ministre.

 

Néanmoins, les sénateurs socialistes se sont opposés au texte budgétaire, ce jeudi 23 janvier, lors du vote solennel de la version proposée par le gouvernement. Le Parti socialiste engage un bras de fer avec le gouvernement, conscient de la pression qu’il peut exercer, et exigeant de nombreuses concession en agitant la menace de la censure. Avant l’examen du texte par l’Assemblée nationale le 3 février, celui-ci devra passer par une Commission Mixte Paritaire (7 députés et 7 sénateurs, représentants la composition du Parlement), lors de laquelle les négociations pourront aboutir à une version consensuelle du texte.

 

Mais déjà, une idée de la version finale du texte se dessine. Le gouvernement Bayrou a annoncé viser 32 milliards d’euros d’économies, ainsi que 21 milliards de recettes, pour atteindre un déficit public de 5,4% du PIB pour l’année 2025. Une estimation jugée plus réaliste et concrète que la version Barnier. Pour atteindre de telles sommes d’économies, la majorité des portefeuilles ministériels sont concernés. Des baisses d’un milliard d’euros pour le Logement et l’Écologie, 600 millions pour l’Enseignement supérieur, 535 millions pour le plan « France 2030 », … Seront plus épargnées les collectivités locales, dont l’effort sera limité à 2,2 milliards d’euros, bien loin des 5 qui avaient été annoncés par le précédent gouvernement, une concession aux réclamations socialistes.

 

Au sein de la gauche, la France insoumise s’est illustrée en incarnant une opposition simple au gouvernement Bayrou et au budget qu’il propose. Jean-Luc Mélenchon appelle à un budget alternatif financé par des hausses d’impôts sur les grandes fortunes et une renationalisation des infrastructures stratégiques. Contrairement au Parti communiste, ou aux Écologistes, les députés LFI ont refusé toutes les invitations de Bercy aux consultations budgétaires, défendant un point de vue immuable d’un côté, mais s’isolant de leurs partenaires de la gauche de l’autre.

Malgré sa perte d'influence, le Rassemblement national (RN), tente de son côté de rester audible et force de proposition. Marine le Pen a bien compris que son groupe ne constitue plus le levier de bascule nécessaire à la censure, mais que tous les yeux sont maintenant rivés sur le Parti socialiste. À défaut de peser sur la balance, Marine Le Pen a réclamé une suppression de l’Aide médicale d’État (AME) ainsi qu’une baisse significative de la contribution française au budget de l’Union européenne, espérant avoir une incidence sur le texte final. De son côté, Jordan Bardella affirmait le 20 janvier à l’Assemblée que les propositions du gouvernement « ne vont pas dans le bon sens ».

 

Néanmoins, tous le savent, il sera impossible pour le gouvernement de satisfaire l’ensemble des oppositions. Dans quelle direction sera orienté le budget 2025 ?

« Ce ne sera pas le budget de la droite, le budget de la gauche, le budget du centre, mais le budget du pays »,

expliquait Marie de Montchalin, ministre déléguée aux Comptes publics, ce 26 janvier sur BFM. Ce qui du moins, est certain, c’est que le budget 2025 marquera profondément la situation politique du pays. Si la Commission mixte paritaire ne parvient pas à trouver d'accord, le gouvernement pourra à nouveau se retrouver contraint à utiliser l’article 49-3 pour faire passer le budget. Un pari à haut risque, qui entraînerait très certainement une nouvelle censure et la prolongation d’une incertitude politique et financière pour le pays.

L’absence de budget sur une période trop prolongée ferait courir à la France le risque « de perdre sa crédibilité budgétaire » précise Olivier Redoulès, économiste. Cela rimerait avec un affaiblissement de la confiance des créanciers et des partenaires internationaux envers la France, compromettant ainsi sa capacité à financer certaines dépenses courantes et à maintenir une stabilité économique.




Sources : Sénat, Le Monde, FranceInfo, BFM, Libération, Rexecode

 

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