L’école, génératrice d’inégalités ?
- Mathilde Lahaye
- 30 janv. 2024
- 4 min de lecture
L'école, c'est bien le mot que l'on entend le plus ces dernières semaines, et cela, à tous les niveaux. Que ce soit dans le supérieur avec l'ouverture de Parcoursup qui fait toujours scandale, ou dans le secondaire avec les nombreux débats suscités par une maladresse de la nouvelle ministre de l'Éducation nationale sur les fortes inégalités qui persistent entre l'enseignement privé et public en France. Mais alors, pourquoi ce mot fait-il tant de bruit ?

Depuis le vendredi 12 janvier, la ministre Amélie Oudea Castrera est sans relâche critiquée pour ses propos envers les écoles publiques, justifiant le fait que certains enfants suivent un enseignement privé. Mais cette disparité entre l'enseignement public et privé n'a-t-elle pas toujours existé ?
Commençons par un peu d'histoire. La date de la création de l'école n'est pas précise, bien que l'on puisse penser que Charlemagne, vers 800, a joué un rôle important. Certains montrent que l'école existait déjà dans l'Antiquité, en Égypte et en Inde. Plus tard, elle arrive chez les Romains, mais reste très élitiste, réservée aux familles les plus opulentes. Charlemagne, en 800, décrète que toutes les cathédrales et tous les monastères de son empire doivent ouvrir deux écoles enseignant l'écriture, la lecture, le chant et la prière. Si on ne peut pas lui attribuer l'invention de l'école, on peut cependant reconnaître qu'il l'a démocratisée en Europe de l'Ouest.
Au niveau primaire, l'enseignement privé fut longtemps dominant. La construction d'un service public a pris plus d'un siècle. En effet, la loi Ferry du 16 juin 1881 instaure pour la première fois la gratuité absolue de l'enseignement primaire, conduisant le 2 août 1881 à rendre l'école maternelle non-obligatoire, mais gratuite et laïque. Cependant, l'enseignement privé persiste avec l'école religieuse.
Pendant l'entre-deux-guerres, la gauche tente de nationaliser l'ensemble de l'enseignement, mais l'échec du gouvernement de 1924 impose des mesures laïques, montrant l'impossibilité politique d'y parvenir. Néanmoins, l'enseignement privé ne résiste pas à trois évolutions majeures : la laïcisation progressive du personnel, l'inflation, et la croissance massive des effectifs. Les parents et l'État souhaitent une scolarité prolongée pour les enfants, entraînant une augmentation rapide des effectifs du premier cycle. Cela a des conséquences significatives, et en 1960, l'enseignement privé ne scolarise plus que le quart des effectifs du secondaire.
D'autre part, l'État, confronté à des besoins croissants, ne voit pas d'intérêts à reculer davantage face à l'enseignement public. Cependant, le contexte social évolue rapidement, avec la scolarisation au collège de la totalité de la classe d'âge, modifiant la donne. Les conditions d'enseignement se détériorent, et la violence fait son entrée dans le quotidien de certains collèges. Pour gérer ce flux, le ministère, en 1973, met en place une procédure contraignante d'orientation. La volonté de mettre son enfant dans le privé augmente, devenant plus un choix social qu'une condition fervente.
De nombreux élèves du public font un détour par le privé, bien que ce dernier ne scolarise plus qu'un quart des élèves du secondaire en 1960. On constate ainsi qu'au cours du XXe siècle, les relations entre le public et le privé ont toujours été tendues, et aujourd'hui encore, ce dualisme dans l'éducation française cause de nombreux problèmes. Ces divergences entre les deux enseignements reflètent généralement de nombreuses inégalités. Malgré la massification du système scolaire au XXe siècle, la démocratisation de celui-ci reste à nuancer. En effet, de nombreux chiffres montrent que les disparités sont notamment présentes en fonction du statut (public ou privé) de l'établissement dans lequel se trouve l'individu.
Cependant, nous ne pouvons pas dire que l'école génère les inégalités, mais plutôt qu'elle les renforce. En effet, le capital économique et culturel des parents est une première source d'inégalité chez l'enfant, et cela, dès le plus jeune âge. L'enfant fait face à une certaine ségrégation dès son entrée à l'école par rapport au capital de ses parents. Il existe une double corrélation positive entre le milieu social et le capital culturel, ainsi que le capital culturel et la réussite scolaire. Chaque enfant est donc le produit de son milieu social. La démocratisation de l'école est à nuancer dans ce cas. Cependant, nous pouvons rester sur une note positive qui génère un certain espoir.
En effet, l'école s'est de plus en plus ouverte aux femmes. Selon l'UNESCO de 2015 à 2023, les taux d'achèvement des études pour les filles sont passés de 86 % à 89 % dans l'enseignement primaire, de 74 % à 79 % en premier cycle d'enseignement secondaire, et de 54 % à 61 % en deuxième cycle d'enseignement secondaire. Nous remarquons donc une considérable avancée en termes de disparités entre les sexes. Cela peut nous donner de l'espoir pour une école de plus en plus démocratisée et qui ne reflète plus les inégalités de la société.
Bien que les tensions entre l'enseignement public et privé aient persisté au fil des décennies, la possibilité d'une école plus inclusive et équitable se dessine avec l'ouverture accrue aux femmes et l'aspiration à une démocratisation plus poussée. La reconnaissance des inégalités liées au capital économique et culturel des parents souligne la nécessité de poursuivre les efforts pour créer un environnement éducatif plus juste pour tous les élèves.
J’adore, wow.