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Le nucléaire, un débat explosif ...

Dernière mise à jour : 16 févr. 2024

De nos jours, le nucléaire est au cœur de nombreux enjeux. Entre énergie et défense, nucléaire est souvent synonyme de souveraineté et de puissance. À l’international, des inégalités, volontaires ou involontaires, dessinent une ressource complexe, qui s’immisce même dans les relations entre les États.


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Source : SiaPartners

L’industrie du nucléaire civile

 

Le nucléaire « civil » désigne principalement l’exploitation de l’énergie nucléaire pour la production de l’électricité, englobant l’extraction du combustible d’uranium jusqu’à l’exploitation des centrales.

 

Son essor date réellement de la crise pétrolière de 1973. Ce premier choc pétrolier intervient dans un contexte de Guerre du Kippour qui oppose principalement l’État d’Israël et l’Égypte. Pour affaiblir les Occidentaux, alliés d’Israël et dépendant du pétrole des États arabes du Moyen-Orient, ces derniers provoque un choc d’offre négatif (lorsque la demande est supérieure à la production), provoquant une crise économique d’ampleur. C’est alors qu’un enjeu de réduction de la dépendance énergétique vis-à-vis des producteurs d’hydrocarbures s’impose. De cette manière, depuis la crise, l’industrie nucléaire civile (production d’énergie) s’est très fortement développée pour servir d’alternative énergétique. En France, la dépendance énergétique vis-à-vis de l’étranger a été réduite en une trentaine d’année de 30% (80% en 1973 pour 50% en 2008). Aujourd’hui, c’est 70,6% de l’électricité française qui est issue du nucléaire civil.

 

Au niveau international, c’est environ 17% de la production mondiale d’électricité qui provient des 364 réacteurs nucléaires opérationnels présents dans 10 pays du monde. Évidemment, en tête, les États-Unis comptent 93 réacteurs, suivis par la France et la Chine avec 56 et 53 réacteurs nucléaires. Même si certains s’opposent à cette tendance de développement du nucléaire, la tendance globale est généralement vers une augmentation du nombre de chantiers de construction. En 2023, 56 centrales étaient en construction (dont près de la moitié d’origine russe).

 

Le nucléaire incarne également un élément de comparaison entre de grandes puissances. La Chine, avec sa superficie 14 fois plus grande que celle de la France et sa population de plus d’1 milliard de personnes possède 53 réacteurs nucléaires. En France, avec seulement 68 millions d’habitants et une superficie de moins d’1 million de km2, on retrouve 56 réacteurs. Cela souligne l’avance et le développement du nucléaire civile dans des pays comme la France, et les avantages symboliques et stratégiques que cela apporte. Le développement de cette ressource permet donc d’acquérir une certaine supériorité face à de nombreux États, dont certaines superpuissances.

 

De nos jours, le nucléaire civil joue un rôle clé dans des relations bilatérales, et au sens large au sein de la communauté internationale.

 

Les pays possédant une technologie nucléaire avancée peuvent utiliser leur expertise comme levier diplomatique. Des accords de coopération sont à la clé, avec d'autres nations pour, entre autres, la construction de centrales nucléaires. La Russie, 4e puissance dans le domaine civile, a annoncé en octobre 2023, la construction du central russe au Burkina Faso et un contrat de coopération civile avec le Mali. Cela permet à la fédération de Russie d’exacerber sa présence et son influence sur le continent africain tout en consolidant son image d’actrice majeure dans le domaine.

 

On constate aussi que les pays possédant ces infrastructures nucléaires, étant peu nombreux (seulement une trentaine), jouissent d’une certaine exclusivité en la matière, un véritable vecteur de puissance et d’avantage.

 

Avec le retour de la guerre en Europe, avec la crise russo-ukrainienne, cet avantage s’est matérialisé de manière assez brutale et inattendue. Alors que l’Union européenne coupait tout lien énergétique avec la fédération de Russie, des pays tels que l’Allemagne se retrouvaient en difficulté pour subvenir à leurs besoins en matière d’énergie. Ayant engagé un processus de diminution du nucléaire civile depuis les années 2000, qui s’est accéléré depuis 2011 (après l’accident de Fukushima), l’Allemagne ne possède plus que 3 réacteurs lorsque débute le conflit et n’a depuis avril 2023, plus aucune centrale en activité. De cette manière, la guerre a posé un important problème, poussant les autorités à relancer certaines centrales à charbon et en accélérant dans le domaine de l’énergie renouvelable.

 

Le nucléaire civil présente également des risques. En 1986, une explosion a lieu dans l’un des réacteurs de la centrale de Tchernobyl. Les conséquences dépassent les frontières ukrainiennes et le panache de fumée radioactive survole l’Europe. Bien que la santé publique n’ait pas été impactée dans des États occidentaux, cet accident aurait pu avoir des conséquences bien plus graves et impacter la diplomatie européenne.

 

 

Le poids du nucléaire militaire

 

D’un autre côté, le nucléaire militaire, est au cœur de nombreux débats et suscite d’autant plus de convoitises.

 

La bombe atomique, le summum de l’armement militaire, a déjà marqué le monde. Les 6 et 9 août 1945, les premières bombes nucléaires américaines s’abattent sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki, mettant un terme à la Seconde Guerre Mondiale et marquant le début d’un nouveau conflit la Guerre Froide, dont le statu quo repose majoritairement sur l’essor de ces nouvelles technologies atomiques.

 

Cet équilibre de la terreur, fondé sur une peur de la destruction mutuelle a permis d’éviter certains conflits de haute intensité entre de grandes puissances, mais à mener à une guerre indirecte de plus de 40 ans ou la dissuasion nucléaire a figé le monde.

 

Néanmoins, depuis les années 1950, les craintes sont de plus en plus nombreuses et une nécessité de régulation s’est imposée aux organisations internationales ainsi qu’aux grandes puissances nucléaires.

Dès 1957, l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique est créée, alors que des espoirs scientifiques promettent un essor encore plus accru de l’armement atomique. Cet organisme rattaché à l’Organisation des Nations Unies marque le début d’une collaboration entre plus de 81 États pour la sécurisation du monde et l’éloignement des risques liés au nucléaire. On parle également d’agence de « l’atome pour la paix », ce qui en dit long sur la vocation attribuée à l’AIEA.

On peut relever dans ses statuts l’un des principes fondamentaux de l’organisation : « L’Agence s’efforce de hâter et d’accroître la contribution de l’énergie atomique à la prospérité dans le monde entier (…) Et s’assure, dans la mesure de ses moyens, qu’elle n’est pas utilisée de manière à servir à des fins militaires ».


De nombreux traités sont rapidement venus compléter ce contrôle tel que le TNP (Traité de non-prolifération) signé par 191 États en 1970. Celui-ci stipule que « les États non dotés d’armes nucléaires se sont engagés à ne pas fabriquer ou acquérir par tout autre moyen des armes nucléaires ou tout autre dispositif nucléaire explosif, tandis que les États dotés d'armes nucléaires se sont engagés à ne pas aider, encourager ou amener, en aucune manière, un État non doté d'armes nucléaires à fabriquer ou acquérir des armes nucléaires ». En d’autres termes, une interdiction d’acquérir ou de produire des dispositifs nucléaires lorsque l’on n’en possède aucun, et un certain secret sur les méthodes de fabrication pour les puissances nucléarisées.


Cela pose tout de même une question de légitimité des puissances nucléaire à interdire aux autres États l’accès à cette ressource si avantageuse.


Malgré ces accords, renforcés par pas moins de 15 traités, certains États se lance dans la conduction d’un programme nucléaire militaire. L’Iran est fréquemment sanctionnée et rappelée à l’ordre par l’AIEA pour ses activités suspectes.


En 2003, des activités d’enrichissement en uranium sont observées sur le territoire iranien. En réaction, des négociations ont lieu et aboutissent avec le Joint Comprehensive Plan of Action (JCPoA) pour la limitation du nucléaire militaire en Iran en 2015. Après 4 ans, la République islamique a annoncé qu’elle ne respectera plus l’ensemble des dispositions de ce plan. Plus récemment, l’Iran a encore nié vouloir fabriquer une bombe atomique alors que le pays n’a fait que renforcer ses réserves en uranium enrichi (ressource essentielle pour la fabrication d’une bombe nucléaire).


Cette course aux armements, encore d’actualité aujourd’hui, souligne bien les risques liés à un développement trop important de l’armement nucléaire. Si certains États, ayant des aspirations belligérantes, réussissent à acquérir ces technologies de destruction massive, les conséquences peuvent être désastreuses et mener à une instabilité régionale et internationale. Le souvenir laissé par la Crise des missiles cubains de 1962, durant laquelle le monde est passé très proche d’une guerre thermo-nucléaire.

 

 

 


Le débat sur le nucléaire révèle une dualité complexe entre ses aspects civils et militaires. Alors que le nucléaire civil a contribué à la diversification énergétique et à l'affirmation de puissance nationale, il expose également des risques majeurs pour les populations, comme avec l'accident de Tchernobyl. De son côté, le nucléaire militaire a joué un rôle de dissuasion qui a permis une certaine stabilisation du monde, mais la prolifération nucléaire reste un défi majeur qui questionne et inquiète.

Dans des débats plus contemporains, marqués par des enjeux environnementaux, le nucléaire pourrait être, pour certains, une transition vers des sources d'énergie renouvelable, tandis que d’autres soulignent son impact climatique. Avec les constantes évolutions technologiques de l’énergie atomique, le débat sur le nucléaire est mouvant et restera central pendant encore un certain temps.




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